Les routes de la confiance

«L'acte le plus difficile est celui que l’on croit le plus simple : percevoir d’un regard toujours en éveil les choses qui se présentent à nos yeux.» Goethe

Parcourir le monde, même à petite échelle, est un délice de la vie dont aucun être humain ne devrait être privé. BIen que passer deux semaines à vivre avec celles et ceux qui font les tiers-lieux (ateliers partagés, espaces coworking, etc.) soit un acte de modeste de parcours, il n'en est pas moins un vécu qui bouscule beaucoup de certitudes et qui marque les chairs...

À travers cet ouvrage, je tente donc de (1) rendre compte des mutations profondes qui traversent la Bretagne (2) de rendre hommage à la diversité des personnes qui ont permis ce tour qui aura agi, à mon petit niveau, comme une exaptation.

Xavier Coadic, co-fondateur du Biome, 1er fablab de biomimétisme en Europe, entrepreneur et consultant depuis 3 ans.

Image de Ryan McGuire (free of copyright restrictions).

Je me suis lancé le 5 octobre 2015 dans une itinérance de 2 semaines en Bretagne, dépouillé de téléphone « intelligent » et de carte bancaire, à la force du pouce et de mes semelles. Ma version bretonne d’Into The Wild” (réalisé par Sean Penn).

Ce territoire qui m’a vu naître, je l'ai arpenté confiant, comptant sur les habitant.e.s des villes traversées, les usager.e.s des tiers-lieux (fablabs, hackerspaces, etc.), les entrepreneur.e.s des startups... Bref, toute ce qui fait la diversité du territoire.

Cette aventure fut collective, avec ses hôtes et ses curieux. L’intention était avant tout de FAIRE ensemble un petit bout des innovations qui f(er)ont demain, partager avec le monde ces ressources communes et relier les initiatives actives.

Sur ce chemin, je me suis attelé à identifier les enjeux sociaux, économiques et environnementaux que défient nos univers hybrides en Bretagne, au prisme du biomimétisme, un ensemble de pratiques auquel je crois tout particulièrement.


Le Biome

Ce Tour de Bretagne n’aurait jamais pu se faire sans le soutien des « biomers », ces artistes, chercheurs, ingénieurs, bricoleurs, chômeurs, entrepreneurs, libristes, etc. qui se réunissent depuis autour d’une passion commune : le biomimétisme.

Lancé en 2014 depuis Rennes, le Biome se présente comme un Fablab distribué de biomimétisme. Résolument hybride, ses membres se sont donné pour mission de résoudre des défis de société en s’inspirant de l’ingéniosité du vivant.


Les origines

L’histoire n’est pas aussi simple qu’un coup de tête piqué dans le bain de la rentrée 2015. À vrai dire, tout a commencé 5 mois avant l'itinérance, au détour d’un échange avec Nicolas. L’idée initiale était d’aller rendre visite aux nombreux FabLabs bretons. Mais très rapidement, c’est l’horizon de cartographier une communauté ouverte et d’innovation collaborative qui a fait sens.

J’ai alors testé en condition réelle l’empreinte financière d’un tel tour en voiture, sur une semaine, en me rendant dans des espaces à Saint Malo, Saint-Brieuc, Brest, Concarneau, Vannes et Nantes (choix arbitraire mais il fallait tester la réalisation). Nous avons également réalisé une résidence de prototypage chez Explore pour tester l'expérience sur une journée entière.

À bons entendeurs : nous nous étions fixé un budget raisonnable de 4000 € pour nous déplacer, manger et dormir en équipe pendant deux semaines. Mais à viser trop petit, nous n’avons pas convaincu les collectivités ou les porte-feuille privés...


Les intentions

Ce tour était tout sauf du tourisme. C'était la volonté de venir contribuer aux activités de ces espaces où s'inventent les solutions aux défis actuels et futurs. C'était leur apporter nos savoir-faire, avec le soutien des communauté dans lesquelles nous évoluons.

Il y a évidemment une envie intrinsèque et partagée par les acteurs de ce tour de tisser des liens et bâtir des ponts entre ces lieux d’innovation ouverte et leur écosystème (on a constaté que de nombreux fablabs ne savaient pas que leur voisin de rue était un talent avec qui collaborer). Il y a résolument cette même envie de bâtir et tisser entre ces lieux et communautés séparés par seulement quelques kilomètres, mais ne travaillant pas toujours ensemble alors que les convergences sont nombreuses.

Rendre une cartographie utilisable par tous, raconter une histoire pour sensibiliser et informer le plus grand nombre, produire un livre blanc des preuves de concept sur le territoire, tisser les chemins entre les différentes entités.

Ce sont les défis que nous avons essayé de relever avec nos entités et leurs réseaux (sur le modèle d'un Space Control Center), du 5 au 18 octobre 2015, autrement dit sur une période très riche en Bretagne avec le Festival temps des communs, les Opportunités digitales à Rennes ponctuées de la venue de Carlos Moreno, spécialiste de la transformation des villes.


L'organisation

  • Une itinérance de 13 jours en autostop, débrouillardise et couchsurfing avec 6 étapes / résidences (à Saint-Brieuc, Brest, Concarneau, Pontivy, Nantes, Rennes) de co-création dans les fablabs, ateliers, entreprises et associations de l’innovation ouverte et collaborative en Bretagne ; ce périple s'est déroulé pendant le Temps des communs (voir l'annonce).

  • 1 nomade backpacker au départ qui fera le périple, puis le voyage formera un train d’entraide et de ressources

  • 1 équipe Space Control Center facilitant les étapes, triant les données produites, organisant les supports média

  • Des équipes d’intervenants extérieurs qui participent à chaque étape aux activités (médiation, prototypage, etc.)


1 semaine avant

Les lignes qui suivent ont été rédigées le 28 septembre 2015, juste avant le lancement du tour. Elles marquent le début d'un carnet de pensées jetées au fil de l'eau, sans filet, de façon à faciliter la documentation de ces Chemins de la Confiance.

À ce stade du projet, difficile de renoncer. Les incertitudes sont nombreuses malgré les mois de travail et les énergies déployées pour concevoir une aventure collective à la fois stimulante et enrichissante pour toutes les parties prenantes. Je me rappelle de temps de temps que l'idée de départ était de passer avec un sac à dos à l’improviste lors de l'été 2015 dans ces lieux bretons pour saluer et rencontrer du monde. Heureusement pour les usagers de ces lieux, Nicolas a eu l'idée d'en faire une visite moins improvisée. Je ne sais si un jour il sera remercié à sa juste valeur ou mis sur le devant du navire pour y apprécier les lumières.

Le seule certitude est la nécessité de prendre un temps de discussion sur les voyages et leurs préparation lors de l'étape à Concarneau. Les entrepôts d'Explore recèlent de savoirs en la matière. Je poserai certainement la question à Roland Jourdain : _Tu fais quoi, toi, une semaine avant de partir au grand large ? _Toute proportion d'aventure gardée et explicitée avant le propos, cela va de soit. Est-ce que les aventuriers de la mer verraient ce tour comme une traversée en étapes ?

Il y une autre question que les navigateurs au long cours doivent pouvoir désembrumer, ou et comment tu fais de la place pour tes proches dans un périple qui te mobilise presque jour et nuit ? J'ai bien peur de devoir improviser sur ces réponses. On peut évidemment tenter de prévoir des temps intimes, privilégiés, isolés en fin de journée. La technologie permettant de connecter ceux qui y ont accès. Mais à l'évidence les journées seront bien plus rythmées par des vagues d'imprévus ponctuées par des moments de dialogue avec les personnalités, les personnes rencontrées sur les routes, elles seront forcément spéciales.

Il est vital pour l'équilibre de soi et de l'autre de prendre grand soin de ces moments réservés ensemble. Les aléas du tour et les tentations à dialoguer sans fin ne doivent pas entraver les temps privilégiés aux êtres chers. Les itinérances ne sont pas des excuses pour léser celles et ceux qui s'inquiètent de notre état et attendant notre retour se raccroche à nos nouvelles.

Décrit ainsi ce tour ressemblerait presque à long voyage sur le globe. Les comparaison, le champ lexical, les interrogations ajoutent à l'ambiance générale un connotation semblable à un tour du monde. D'une certaine manière c'est le cas. Tout d'abord parce que le territoire y joue un rôle prépondérant par l'attachement personnel, par sa richesse et par ses spécificité socio-économiques. J'imagine, en me remémorant les livre des navigateurs (Kersauson "Ocean song" ou "Vol de nuit de St Exupery" par exemple), qu'il en va de même pour le marin et sa mer. Ensuite, ce tour est également un périple à étapes dans l'univers très spécial des "labs" (FabLabs, makerspaces, etc.). Par essence ces lieux et ses communautés sont des vecteurs du monde demain, ils ont la capacité, plus ou moins développée, de vous transporter dans l'expérimentation des modes d'organisation et de production de la société à venir. Tout un voyage supplémentaire à chaque étape en perspective. Enfin, c'est un voyage intérieur. Après une année la tête dans le guidon, il y a inévitablement un bilan qui se profile. La démarche physique de prendre les chemins s'accompagne d'un introspection sur les raisons et les résultats de cette frêle embarcation qu'est le Biome.

C'est aussi le premier moment moment où je vais aller voir des habitants du territoire, chez eux et dans leur quotidien, pour échanger avec eux sur leur compréhension de nos tentatives de réponses aux défis sociétaux auxquels nous devons faire face.

Dans une semaine il sera temps de prendre la route, de nombreux point cruciaux d'étapes restent à organiser notamment à Brest et à Saint-Brieuc. Je dirai poliment que la météo locale n'est pas favorable à des escales collaboratives pour l'instant. La semaine sera donc consacrée au bouclage du programme et à la mobilisation de personnes de soutien et mise document du tour.

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