Avant-propos

16 Octobre 2018

L'écriture post-expédition est-elle un remède contre l'apathie ?

Un jour de mars 2016 je me suis jeté dans le vide. J'ai nommé cet instant « Le jour où j'ai tout... ». Aujourd'hui je démarre a posteriori, en partant des données de l’expérience, en remontant des effets aux causes et des faits aux codes, l'écriture d'un livre numérique sur un vécu nomade et contributif qui s'appelait #LabOSe : Laboratoire Open Source d’expériences libres et distribuée.

123 jours d'aventures, de galères, de bonheurs, de vies, entrecoisés de Nuits Debouts, de fabrication numérique, de conférences, de sciences marine paricipatives, de libertés et de rencontres et tellement plus.

Fascination pour les personnes rencontrées et les fragments de vie constitués ensemble ? Destination vers un lieu de la dernière bataille ? Embrocation de sentiments ecore chargés ? Simple récit ou tentative de documentation ? Deux ans après les faits je ne sais pas objectivement à quoi ressemblera ce livre qui s'écrit et s'écrira pas à pas et collaborativement comme le fut cette histoire LabOSe.

Livre ou documentation ?

Une interprétation de la documentation en qualité d'objet à concevoir pourrait postuler d'inclure et de structurer celle-ci autour de quatre fonctions différentes : tutoriels, guides pratiques, explications et références techniques. Chacun d'entre eux nécessite un mode d'écriture distinct. Les personnes travaillant avec des réalisations ont besoin de ces quatre différents types de documentation à des moments différents, dans des circonstances différentes. La documentation devrait alors être explicitement structurée autour d'eux, et ces quatres fonctions devraient toutes être séparées et distinctes les unes des autres.

Dans cette configuration, la documentation prendrait alors quatre apparences.

La forme tutorielle est axée sur l'apprentissage, permet au nouvel arrivant de commencer, telle une leçon. C'est similaire à l'acte d'apprendre la cuisine à un enfant.

La forme de guide pratique qui est axé sur les buts, montre comment résoudre un problème spécifique, tel est une série d'étapes. Il sera semblable à une recette dans un livre de cuisine.

La forme d'explication qui est axé sur la compréhension, elle explique, fournit des renseignements généraux et le contexte. Vous pourrez la comparer à un article sur l'histoire sociale culinaire.

La forme d'un guide de référence qui est axé sur l'information, décrit la conception réalisée. Il vise l'exactitude, donc la vérification et l'ajout de sources, il recher à être complet. Il est semblable à un article d'encyclopédie de référence.

Cette division vise à permettre à l'auteur ou l'autrice et aux lectrices et lecteurs de savoir où va l'information. Elle dit à l'auteur comment écrire, et quoi écrire, et où l'écrire. Cela cherche à éviter à l'autrice, l'auteur, de perdre beaucoup de temps à essayer de transformer l'information qu'il ou elle veut transmettre en une forme qui a du sens, parce que chacun de ces types de documentation n'aborde qu'une seule fmrome de maîtrise de tâches.

Cette conception de la documentation est optimisée, elle en devient même à porter l'absence de sensibilité, de ressentis comme utile. Elle prend des allures coercitives, celles d'humains contraints à la tâche optimum de transmission pour réplication machinale, vers la plus favorable des options, vers le choix le plus favorable étant donné les circonstances ; celles de l'humain contraint à la tâche optimum d'utilisation et d'amélioration.

Ce n'était pas cette philosophie solutionniste que fut démarrée cette aventure en 2016. Ce ne pas dans cette réalité que des centaines de pages rédigées collectivement et collaborativement avec plusieurs dizaines de personnes ont été conçues chaque jour de ce tour de France. Nous avons vécu et partagé ensemble avec nos affectivités, nos difficultés, nos erreurs et nos bonheur. Nous avons produits des ressources et des contenus en même temps que nous testions ou prototypions des objets ou des systèmes. Ce livre numérique ne peut ni prétendre être une documentation au sens stricte, ni souffrir de la limitation à un objet conçu pour être une documentation. Il sera composé avec ce qu'il emporta de sensible, ou tout du moins tentera d'ajouter des éléments plus hétérogènes à une volonté de rendre visible, compréhensible et reproductibles ce qui a été fait, dans un espoir de documentation.

Cela est aussi un écho à plusieurs passages de ce livre et vécus de cette aventure qui cherchaient des formes de luttes contres de sentiments ou des raisonnements d'être dévoré par une hyper-machinisation des imaginaires et des réalités. Peut-être vous laisserez vous tenter dans les pages à venir pour découvrir ces histoires. Dans ce sens il se peut que ce livre préfigure les questions de la documention sous différentes formes comme technique de résistance, le livre ou d'autres médium comme objet de ces résistances. Bien vaste exploration à mener surtout lorsque se rappelle à moi un premier livre « Vivre ensemble, Faire ensemble » toujours pas achevé depuis 2015.

Pour moi, pour les nombreuses personnes qui ont contribués à cette œuvre, pour celles rencontrées, pour nous, ce que nous faisions et faisons encore est politique ici. Ceci au sens initial du terme, à savoir la gestion de la cité et sa modification (Polis, πόλις : cité). Et puis nous sommes aujourd'hui, à l'instant de ces lignes poussées sur le support numérique, dans l'officialisation du remaniement du gouvernement sous la présidence d'Emmanuel Macron. Je ressens une fois encore plus de sentiments insoutenables, confus et irrépressibles, que lors du 2 mars 2016. Comme une urgence de revitaliser des choses, des objets, des énergies, qui s'étaient endormies sur des terrains que nous voulions notres et en communs.

Fragments

Faire des petits bouts de trucs et les assembler ensemble. C'est l'aphorisme que nous avions sailli avec l'ami Maxime Lathuilière lors de l'IndieCamp Kerbors en Août 2016. Côte de granite rose, iles aux pirates et mer bleu sous les yeux, StupFlip dans les orielles, ce temps et ces rencontres venaient pour ma part conclure un périple en tour de France. Tour non complet, ni parfait, puisqu'il se cantonait au territoire métropilitain uniquement et ne passant que part 7 villes, dont Paris et Lyon étaient les seules non bretonnes. En cela, je dois avouer que ce LabOSe était et est morcellé et parcellaire tant dans son vécu que dans sa forme redactionelle.

Lopin de terre, bribes de vie... Je me souviens que c'est lors de camp à Kerbors que Thomas Wolff m'a fait prendre conscience de mon incapacité à recevoir un merci. En effet, depuis des années je fuyais, même physiquement jusqu'à me cacher, toute situation dans laquelle une personne pouvait me remercier. Je pouvais tout aussi bien commencer une journée en demandant à un groupe de ne jamais ne dire merci ou encore répéter à tue-tête « non, vous n'avez pas à remercier » lors d'un repas ou séance de cadeaux. Thomas, en excellent ami et observateur avisé, m'avait signifié deux importantes remarques que je garde toujours en tête comme dispositif homme mort pour éviter de me perdre à nouveau dans l'obscurité. Tout d'abord, pour qui je me prennais ou pour quelle haute personne je me considère pour refuser un don tel qu'un merci sincère ? Ceci renvoyait une forme de violence à la personne qui exprimait un sentiment de gratitude. Tu avais et et as encore raison mon ami, je n'aime pas la violence. Ensuite, je souffrais de cette conformation non consciente, souffrance de fuire et souffrance de ne pas savoir gérer des expressions de bonheurs. Là encore tu avais et a raison l'ami, je n'aime pas vraimment souffrir ni faire souffrir.

Je ne pourrais honnêtement pas écrire qu'aujourd'hui tout est parfait après cette prise de conscience. Cependant, les morceaux de ce tour de France, les vies et intimités partagées, m'ont aidé à progresser. Je ne pense pas que ce petit bout d'apprentissage de savoir-être apparaisse dans une des documentations ou carnets de ce LabOSe.

Des questionnements j'en avais de sacs pleins au moment de prendre la décision radicale et très précipitée du départ en itinérance. Par exemple sur le nomadisme, non pas une lubbie de tourisme post-moderne, peut être quelque chose de l'ordre de l'intuition sur des humanités. Le nomadisme est un mode de vie fondé sur le déplacement ; il est par conséquent un mode de peuplement matériel ou immatériel. La quête de nourriture, sous toutes notions matérielles ou immatérielles, motive, par exemple, les déplacements des humains depuis des millénaires.

Le nomade est celle ou celui qui se déplace. Il est celui qui peuple les territoires, active les courants, insuffle la connaissance. C'est le besoin de se nourrir des fruits de la terre et des graines des savoirs qui le pousse à marcher le long des sentiers classiques ou dans les lisères non battues. J'avais même dans ce tour de France essayer d'adresser la question « Lier le nomadisme à une volonté de comprendre ce qui a fait de nous une Humanité il y a des milliers d’années ?».

Oui l'humain, sa défintion en tant que concept et le processus d'humanisation m'intéresse, ses fragments et les interstices entre les fragments de vies des humains. Je continue à bloguer sur « Qu'est-ce l'Humain ?»

Pour agréger ces morceaux au jour le jour durant ce périple, pour pouvoir faire cela avec les personnes rencontrées, et non comme unique rédacteur, j'avais mis en place un carnet de bord et un carnet de voyage. Je pensais fortement à l'allégorie d'un type qui part dans une coquille de noix à la rame sur un océan puis qui agrandit ce frêle esquif à chaque étape pour embarquer toutjours plus de personnes et d'histoire. Il faillait des techniques, des technologies et des usages, pour encrer les traces, les narrations, les documentations de tous ces habitant⋅e⋅s du voyages, quand bien même elles ou ils seraient à des milliers de kilomêtres les unes et les uns des autres. Je reviendrais et préciserais plus après dans ce livre les choix technologiques, de pratiques et d'usages faits pendant cette période.

Des textes, des schémas, des entretiens audio, des photos, des lignes de codes informatiques... Les carnets qui composent se livre numérique sont truffés de morceaux qui eux-mêmes consituent des fragments de vie et des réalisations. Des composants d'un grande équation, des granularités d'une musique collective, que je vais tenter de mettre en ligne.

Ce sont donc dans ces pages un assemblage de fragments d'explorations, parfois divergentes, avec non pas un capitaine dans son navire mais avec des pairs dans un réseaux qui s'émancipent sur des trajectoires propres et individuées tout en constituant un commun.

Libertés, collaborations, ressources et licence

Faire et entretenir des communs, ensemble bien évidemment, c'est faire communautés en forgeant nos rêgles propres et en prenant soins de ressources collectives, en espérant eviter les pièges de l'enclosure.

L'open source ne suffit pas à lui seul à changer des petits bouts de monde puisqu'il ne prend pas, du moins totalement, en compte les dimensions politiques de ces impacts.

« La voie est libre mais la route est longue » Quelqu'un chez Framasoft.

D'ailleurs une marche à travers des espace-temps peut être libre, au sens profond du moment, mais pas open source, au sens d'en lire le code sans pouvoir librement le réutiliser. Il fallait alors conscientiser l'impératif d'une exploration avec des libertés et dans les libertés sans jamais nuire à quiconque et s'attachant toujours à produire, autant que faire se peut, des symétries dans ces libertés. À savoir, la garantie que personne n’est privilégié⋅e par la définition d’une liberté donnée sur un objet particulier (le texte, le logiciel, les ressources, la monnaie, le code social…).

Dans ces recherches des libertés, dans les rencontres voulues ou improbables de ce tour, les collaborations furent très nombreuses. Tout ceci forme un livre numérique à plusieurs mains, certaines pognes sous pseudonymes. Pour être honnête, le fait que LabOSe, sous sa forme objet numérique, soit aujourd'hui accolé à github, récemment racheté par microsoft, me dérange énormément. Cette forme d'entrave, et les risques liés, seront resolu dans un futur proche, je l'espère.

Cette œuvre est ainsi sous licence libre au crédit de toutes les participantes et participant au LaboSe. Cette licence s'applique aussi au différentes resscources audios, vidéos, photos qui composent ce livre numérique.

Licence Creative Commons
LabOSe œuvre de Toutes les participantes et participants au Tour LaboSe dans les communs est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International

Cela signifie que vous êtes libre de le faire :

  • Partager - copier et redistribuer le matériel sur n'importe quel support ou format
  • Adapter - remixer, transformer et construire sur l'œuvre pour n'importe quel usage, même commercial.

Selon les termes suivants :

  • Attribution - Vous devez donner le crédit approprié, fournir un lien vers la licence et indiquer si des changements ont été apportés. Vous pouvez le faire d'une manière raisonnable, mais pas d'une manière qui suggère que le concédant de licence vous endosse, vous ou votre utilisation.

  • Partage à l'identique - Si vous remixez, transformez ou développez l'œuvre, vous devez distribuer vos contributions sous la même licence que l'original.

  • Aucune restriction supplémentaire - Vous ne pouvez pas appliquer des termes légaux ou des mesures technologiques qui empêchent légalement les autres de faire ce que la licence permet.

Un ISBN (International Standard Book Number), système international de numérotation normalisée des livres, sera prochainement attibué à ce livre numérique. Après traitement administratif du dossier qui semble plus rigide et plus difficiel qu'un tour de France.

Vous avez dès à présent la possibilité de contribuer à ce livre en proposant des corrections, des ajouts, des modifications ou commentaires ici.

Diffusions, réutilisations, adaptations, contributions, sont en elle-mêmes des petits pas dans l'entretien de ressources.

Vous pouvez également soutenir par petit don en euros la rédaction et mise en forme de cette démarche de consitution d'une œuvre via :

Nous pourrions alors ensemble aborder les questions du coût des libertés et des prix du libre ou encore de la valeur monnaitaire et non-monnaitaire de la documentation. Une occasion parmi d'autres de discussions et de nouvelles rencontres, des circonstances pour impulser un nouvel entrain sur de nouveaux chemins.

Élan et vitalité

Ce qui me fascine dans la documentation c'est que l'effort à fournir devrait m'effrayer, me repousser, mais qu'au contraire ce besoin d'écrire semble exercer un attraction irrésistible sur moi. Le désir gravitationnel du voyage intiatique nouveau, celui de la publication. Car cette tentative de dépeindre par livre des réalisations passées n'est pas la fin d'une aventure mais la fin d'une attente adipeuse et apathique. Ce que je veux mettre en texte dans cette débauche de phrase c'est un élan vital. Une manière de se gifler pour se souvenir que nous existons, un façon de pincer le bras d'autres personnes pour leur rappeler ce qu'elle peuvent faire. Une nouvelle étincelle de vie.

Ce sont là les derniers fragmements de ce qui fut un jour une histoire vivante, menée à la réalisation par la folie de ces habitant⋅e⋅s. Ce qu'il en reste est ouvert à jamais à s'entretenir au travers de l'espace et du temps, chuchotant sa composite et ses espoirs. Dans nos imaginaires et dans nos faits nous l'appelons LabOSe.

results matching ""

    No results matching ""